mardi 3 juillet 2018

Frédéric DELVAUX est mort ASSASSINE

La dernière fois que j'ai vu Frédéric DELVAUX remonte à 40 ans. Nous nous étions salués de loin d'un signe de la main avec le sourire, intimidé l'un par l'autre. Étrangement, j'ai pensé à lui il y a quelque temps. J'ai appris sa mort par Facebook ce mois-ci, avec retard.

Je me souviens avec lui de mon enfance dans ce petit village de 700 habitants. Tout le monde se connaissaient. J'ai partagé avec Frédéric les pupitres en bois massif de l'école communale. CM1, CM2. Comme moi redoublant. Ce jeune garçon venait d'un milieu défavorisé. En 1972, cette situation provoquait le mépris des gens "biens". Pour nous, ses camarades, nous appréciions sa gentillesse et sa capacité à nous protéger jusqu'au coup de poing s'il le jugeait nécessaire. Sa forte corpulence étant généralement dissuasive. De notre côté, nous le défendions des quolibets des petits cons car jamais Fred ne serait intervenu pour lui-même.

Ses notes scolaires n'étaient pas bonnes mais il connaissait tant de choses utiles. Il avait des zéros en dictée mais il savait pécher à la ligne. Il était moyen en géographie mais il connaissait la forêt et ses environs comme personne. Mauvais en Calcul, et alors ? Il réparait son vélo quand le mien restait au garage, en panne. Notre maitresse d'école le maltraitait. J'y vois l'expression de l'injustice sociale qu'aucun enfant ne doit subir.

J'imagine la vie de Frédéric modeste et laborieuse. J'apprends par la presse qu'il était souffrant. Avoir des origines modestes rend malade. Quand la misère vous prend au début de la vie, comme un pitbull elle ne lâche plus et tout devient compliqué. Cependant, cet homme était apprécié par son entourage. Tous témoignent du Frédéric de mon enfance, gentil, convivial, serviable et rigolo. Fred était utile à beaucoup.

Sur la demande d'un voisin, il accepta d'héberger un inconnu sorti de prison. Le pourquoi du drame reste inexpliqué. Beaucoup spéculent sur ce fichier "S". La marginalité fait fantasmer et écrire des bêtises. Seule certitude, Frédéric était vulnérable. Il fut battu à mort dans son studio. Le ou les deux assassins sont aussi socialement brisés. Quand la misère s'en prend à elle-même, la mort rode toujours. Pourtant Frédéric a partagé tout ce qu'il possédait avec son meurtrier : son logement modeste, son frigidaire et, qui sait, sa maigre pension d'invalidité.

Comment je ressens ce drame au plus profond de moi ? Les épreuves que Frédéric dut surmonter durant sa vie m'auraient tué. Ce qui l'a tué ne m'atteindra probablement jamais. Je suis simplement plus chanceux que lui. Mes parents, des français modestes, ont su me protéger.

Un chef d'état explique que l'on consacre trop d'argent en aides sociales, que les pauvres doivent se responsabiliser. Je lui réponds ceci :
" La pauvreté n'est pas un vice mais un état dans lequel les riches enferment des gens pour que les plus faibles s'entretuent.
Frédéric DELVAUX est mort assassiné parce qu'il a hébergé un homme en déshérence. Monsieur DELVAUX n'avait pas un pognon de dingue mais du cœur. Il a fait le travail du président de la république. "

Nous pouvons être fiers de Fred, tristes de lui rendre cet hommage.

Frédéric Delvaux mars 1962 - avril 2018

Ma classe avec Fred CM1 CM2 année 1972-1973, je me souviens de quasi tous les noms.

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