dimanche 8 avril 2018

DU SACRIFICE A LA DISPARITION

Soldat

Je suis un ancien militaire. J'ai servi sous les drapeaux pendant un an. A cette époque c'était obligatoire. Mon casernement était en Allemagne. J'ai compris que des hommes, à cause de la force du fusil, se croient supérieurs aux civils et aux pacifistes. Je n'aime pas l'armée.

Puis, je me suis trouvé sous la protection de la gendarmerie quand j'ai manifesté après les attentats de Charlie et de l'hyper-casher. Sur les toits parisiens, ces hommes en armes nous saluaient comme des amis, l'un des leurs. Quel espoir en la nature humaine.

Le sacrifice

Pourtant le même corps d'armée et de police un jour nous réprime violemment et l'autre nous sauve de nos inconséquences.

Je rends respectueusement le salut reçu de ces hommes encagoulés pour ma protection vers le visage découvert du colonel Beltrame. Ce soldat est mort au combat au nom des valeurs démocratiques que je défends parce qu'un sombre crétin avait un couteau.

Les autres victimes méritent notre compassion.

Le supplice

Madame Mireille Knoll était une vieille dame paralysée ou presque. Elle a survécu à la déportation organisée par le gouvernement félon de Vichy pour satisfaire le totalitarisme nazi. Comme beaucoup de revenant, elle s'est sans doute posé cette question : "Pourquoi je vis et pas les autres ?". La culpabilité la plus insupportable : celle de chance, celle de l'innocence. Pendant son calvaire, a-t-elle répondu : « En fait, je n’y survirerai pas » ? Les meurtriers de madame Knoll ne sont pas des terroristes mais des crapules racistes. Ils ont tué parce qu'ils avaient un couteau.

la disparition

Cette même semaine, au Kenya, le dernier rhinocéros blanc mâle est mort de vieillesse, euthanasié. L'espèce est perdue malgré les quatre femelles vivantes. Nos enfants ne verront plus ce bel animal, plus ancien que l'homme, brouter librement dans la savane. Le Rhino Blanc est exterminé parce des impuissants imbéciles ont bu sa corne.

Trois évènements

Qu'est-ce-que ces trois évènements ont en commun ? Que nous pouvons imaginer une graduation dans l'horreur mais il restera toujours l'horreur. En commun aussi, la croyance en notre supériorité et à l’autorisation par la foi ou le mépris de celle-ci, à détruire la vie et ce qu’elle nous propose de meilleur. Mais le signe majeur est celui-ci : cette semaine-là, notre monde a changé, il ne sera plus jamais celui de la semaine précédente. Personne après le colonel Beltrame n'offrira sa vie par altruisme, les rescapés de la Shoah disparaissent et leur témoignage lumineux avec eux. Un animal, témoin préhistorique, n'éclairera plus de sa terre notre Histoire. Une page se tourne, nous allons oublier son contenu.

Et alors,

je cherche en vain la force d'apaiser ma haine et de surmonter mon chagrin.

Parce qu'un soldat désarmé est mort alors qu'il aurait dû vivre encore.
Parce qu'une dame survivante est morte alors qu'elle aurait dû vivre encore.
Parce qu'une espèce millénaire s'est éteinte alors qu'elle aurait dû vivre encore

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